lundi 24 septembre 2007

Idiome du village

"On éteint les lumières ici. Mais l’histoire rebondit ailleurs !"
C'est par ces mots que Daniel Schneidermann signifie l'arrêt de sa contribution au Big bang blog, et annonce du même coup le retour d'Arrêts sur images, non pas en Poitou Charente (chez Ségolène ! ) mais sur Internet : @rrêts sur Images .
Sur ce nouveau site, toute l'équipe de l'émission défunte, du même nom, se retrouve. Et c'est avec un grand plaisir, que j'ai pu me plonger dans un nouvel article de Judith Bernard analysant les premiers mots de N. Sarkozy lors de sa dernière intervention (multi-)médiatique et télévisuelle le 20 septembre.
Je ne résiste pas à la tentation de vous en livrer l'intégralité :
Par Judith Bernard le samedi 22 septembre 2007
Si vous l’avez raté (mais est-ce seulement possible ?), voici un tout petit digest de la prose présidentielle entendue jeudi soir dans la lucarne. Une micro-dose de rhétorique sarkozienne, un échantillon de quelques minutes plongé dans mes petites éprouvettes perso.
En réponse à la question de PPDA sur la prise en compte ou nonde la pénibilité des tâches dans la réforme du régime des retraites, Sarkozy a commencé comme ça : '' « Écoutez : moi j’ai été élu par les Français pour résoudre les problèmes de la France. On m’a pas élu pour commenter les problèmes de la France ; on m’a élu pour trouver des solutions ».''
« Écoutez » : ça commence avec un phatique (qui n’a d’autre vocation que d’assurer le contact, ça n’a aucune valeur informative - de même que l’ explication à laquelle je me livre ici, que mes lecteurs fidèles connaissent par coeur). Phatique ultra-classique, qui présente l’avantage, par sa forme impérative, d’instaurer un léger, mais indiscutable, rapport de force entre celui qui le prononce et celui à qui il est adressé (c’est une forme adoucie de : fermez-la), et de ne coûter à son locuteur aucun effort cognitif (pendant qu’il le prononce, lentement, automatiquement, il gagne du temps, et économise sa pensée, occupée à former la suite de la phrase : toujours ça de gagné). Rien là que de très banal : tous les politiques l’emploient, pour les mêmes raisons, avec les mêmes effets.
Puis vient cet éloquent préambule, spécifiquement sarkozyste : « on m’a pas élu pour commenter les problèmes de la France, on m’a élu pour trouver des solutions », En d’autres termes : refus de la politique du « commentaire », qu’on pourrait appeler la métapolitique, au profit de la politique de l’action. On observera que disant cela, Sarkozy COMMENTE les motivations supposées de ses électeurs et son propre projet politique : il fait donc exactement la métapolitique qu’il prétend récuser. Ça s’appelle une antiphrase : ou l’art d’affirmer une « vérité » que le contexte énonciatif dément formellement. C’est une aberration ; mais avec un peu d’aplomb, ça passe pour une évidence.
Ça continue : « les Français s’inquiètent du financement de leurs retraites », « c’est un problème depuis des années », « il y a des décisions qui n’ont pas été prises toutes ces années, eh ben il faut les prendre. Tranquillement, simplement ». Tous ces énoncés n’ont aucune valeur politique dans le sens que Sarkozy vient de donner à sa fonction : ils ne formulent aucune solution. En dépit de son engagement initial, Sarkozy ne fait pas autre chose que commenter les problèmes des Français – et que dire alors de son engagement originel, celui du candidat promis au triomphe : « je ferai ce que j’ai dit, je ne vous mentirai pas, je ne vous trahirai pas ». A l’échelle de quelques phrases, et de quelques minutes, déjà, il n’y arrive pas (tout rhétoricien sait d’ailleurs qu’il est à peu près impossible de tenir ce genre de promesse, et qu’il vaut mieux s’abstenir de les faire).
Et ça continue : « je veux dire deux choses aux Français : d’abord il ne faut pas stigmatiser cette catégorie de Français (ie : les cheminots, les gaziers, les électriciens, les agents de la RATP : Sarkozy cite ces professions concernées par les régimes spéciaux, omettant évidemment d’évoquer les autres – on ne lui en voudra pas, personne n’en parle). Ils ne sont pas coupables ». Manquerait plus que ça : voici donc que par cette réfutation saugrenue (qui a dit que coupables, ils l’étaient ???), il en fait des victimes de quelque stigmatisation qu’il viendrait protéger de sa magnanime autorité. La victimophilie présidentielle est donc si grande qu’elle est prête à s’inventer des objets là où nulle victime pourtant n’est venue se plaindre ? « Je veux dire », insiste-t-il, se livrant à un classique exercice de… métalangage, ou l’art de commenter sa propre énonciation. Sarkozy aime décidément beaucoup le méta, quoi qu’il en dise.
Il aime aussi beaucoup l’autorité, la sienne surtout, puisqu’avec son adresse aux Français leur commandant de ne stigmatiser personne, Sarkozy est encore en train, l’air de rien, de donner un ordre (encore une forme adoucie de « fermez-la ») Il poursuit : « D’abord il y a la pénibilité de leur travail, ensuite il y a l’histoire des luttes sociales dans ce pays, ça compte, et lorsqu’ils ont été embauchés (à la ratp, à la sncf etc), ils ont trouvé un régime, ils ont trouvé un statut : il ne s’agit pas de les accuser de quoi que ce soit ». On aura compris que ces réfutations saugrenues (« il ne s’agit pas de les accuser ») sont des tropes communicationnels : Sarkozy fait ici semblant de parler à la France qui stigmatise (dont il postule, sinon invente, l’existence), tandis qu’il parle en réalité aux supposés stigmatisés, dont il fait ses victimes protégées : c’est l’équivalent d’une caresse sur la tête prodiguée à tous les bénéficiaires de régimes spéciaux.
Alors faisons le point : l’entretien est commencé depuis plusieurs minutes. Démarré en fanfare par le refus de la politique du commentaire, Sarkozy n’a pour l’instant fait que cela : commenter, commenter toujours, et il continue « Ils sont pas privilégiés parce que c’est des ptits salaires, et que c’est des boulots qu’sont difficiles. Et j’voudrais vous dire une chose, c’est qu’j’ai pas oublié l’attitude de ces fonctionnaires lors de la tempête de 1999 on était bien contents de les trouver, les électriciens, lorsque tout s’était effondré, et j’ai pas oublié le courage des agents de la RATP lorsqu’il y a eu les émeutes de 2005 ». Stop. On aura bien sûr noté au passage le glissement progressif, comme lors de chacune de ses allocutions télévisées, de raccourci syntaxique en apocope syllabique, vers ce que j’ai appelé jadis la langue du peuple (ou comment Nicolas Sarkozy joue l’idiome du village). Ainsi se construit sinon l’image, du moins le bruit de l’homme proche du peuple que l’avocat d’affaires a si bien imprimé dans l’imaginaire collectif, par quoi il a pu faire croire qu’il était l’ami des petites gens.
Mais j’arrête là décidément parce que cette allocution comme toutes les autres, je n’ai pas pu l’écouter en entier. Je ne supporte pas, je ne supporte plus la parole politique qui fait du bruit du bruit du bruit avant de parler, si l’on peut appeler « parler » la livraison, en passant, de la fameuse solution dont Sarkozy prétend que c’est la seule chose qu’on attend de lui: la solution tout le monde la connaît (alignement des régimes spéciaux sur le régime général, transition aménageable dans le temps avec prise en compte de la pénibilité, sans préciser ni sous quelle forme, ni dans quelle mesure) – et l’on peine toujours à comprendre qu’il faille tout ce barnum rhétorique pour finir par dire ce que tout le monde savait déjà.
Au fond RIEN ne s’est véritablement dit dans le passage que je viens de décortiquer. D’où l’intérêt de le décortiquer : car pendant qu’il ne nous disait rien, mais qu’il parlait tout de même, Nicolas Sarkozy faisait non seulement de la politique (celle qu’il récuse, celle qui ne fait que blablater), mais surtout de la rhétorique, l’air de rien : flattant les uns, commandant aux autres, dominant chacun et parlant comme tout le monde, il faisait passer mille messages à la minute, mille massages imprimant doucement, « tranquillement, simplement » comme il répéta beaucoup ce soir là, dans la masse molle de notre imaginaire l’empreinte forte, très forte, qu’il entend y laisser."
Qui est Judith Bernard? vous la connaîtrez mieux en regardant ceci:


Judith Bernard, BBB
envoyé par nicolasjouandet
Et aussi cette intervention pendant la campagne présidentielle :


Idiome du village
envoyé par X-_-X

dimanche 16 septembre 2007

Travailler plus ou travailler mieux ?


Le travail tue
envoyé par Davou
Le travail tue-t-il vraiment?
Les recentes affaires de suicides chez les cadres de grandes entrprises françaises (reconnue, au moins pour l'une d'entre elles, en accident du travail) semblent malheureusement le confirmer.
Face à ce problème, les politiques me semblent encore et toujours en décalage : après le travailler moins (les 35 heures), on nous sert le travailler plus (pour gagner plus - à verifier!-)!
"les Français, (...) seraient plus prompts que les autres à mêler les sphères privées et professionnelles pour se "réaliser". Selon l'Observatoire international des salariés (TNS-Sofres), quand les Anglo-Saxons ont une vision très utilitaristes du travail (un gagne-pain pour 76 % des Américains, pour 51 % des Européens), les Français noueraient une relation au travail plus affective. Pour 56 % de ceux-ci, le travail est d'abord une source de contacts humains (pour 33 % des Américains, pour 45 % des Européens). Un investissement affectif, donc souvent déçu. Un quasi dépit amoureux. A moins que la belle, et le management, soient... étrangers."
Alors le bonheur au travail, c'est pour quand ?...

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